La cuisine vietnamienne, reconnue pour sa diversité et son raffinement, se distingue par l'omniprésence du riz. Cet ingrédient essentiel n'est pas seulement la base alimentaire des Vietnamiens du Nord au Sud, il est le cœur battant de chaque repas, du matin au soir, à la campagne comme en ville. Pour les habitants, une journée sans riz est impensable, à tel point qu'il est considéré comme un cadeau précieux, échangé entre proches et offert lors des grandes occasions.
L'importance du riz est si profonde qu'elle imprègne la langue et la culture vietnamiennes, inspirant de nombreuses expressions imagées:
“ Il ne veut plus du riz, il veut goûter la terre » est une manière poétique et triste de décrire une personne gravement malade ou en fin de vie, soulignant le rôle vital du riz dans l'existence.
Avec une touche d'humour, l'expression “Il en a assez du riz, il veut goûter la soupe chinoise” évoque un mari infidèle cherchant de nouvelles saveurs (et de nouvelles relations).
Enfin, un homme comblé, dont la vie est facile et prospère, est comparé à « un rat dans un pot de riz”.
Ces expressions témoignent éloquemment du rôle central et sacré du riz dans la vie quotidienne et l'identité culturelle vietnamienne.
Le Riz au Cœur des Repas Vietnamiens: Un Art Quotidien
Le terme "ăn cơm" en vietnamien ne signifie pas simplement "manger", mais "prendre un repas principal composé de riz et accompagné de plusieurs mets". C'est dire l'importance de ce grain!
La cuisson traditionnelle du riz est un savoir-faire: après l'avoir porté à ébullition, on le laisse mijoter à petit feu jusqu'à absorption complète de l'eau, révélant ainsi toute sa saveur et sa texture moelleuse. Aujourd'hui, le cuiseur de riz automatique a simplifié cette tâche, mais l'essence du repas reste la même.
La cuisine vietnamienne est un art subtil qui transforme ce riz quotidien en une expérience gustative sans cesse renouvelée. Pour cela, le riz est accompagné d'une symphonie de mets:
Plats principaux: Viandes (porc, poulet), poissons, crevettes, tofu, légumes sautés, ou légumes salés.
Soupes: Indispensables pour équilibrer le repas, on trouve des potages variés (viande, légumes, côtes), des soupes de crabe ou de poisson, apportant fraîcheur et saveur.
Nộm (salade de légumes hachés): Une entrée célèbre, mélangeant papaye verte, concombre, carotte, porc bouilli, assaisonnée d'arachides pilées, de vinaigre, de sucre, d'ail et de piment. Le Nộm offre une explosion de saveurs diverses, parfait pour les repas quotidiens comme pour les banquets.
Dans la vie moderne, particulièrement en ville, les restaurants populaires abondent près des lieux de travail, proposant des déjeuners rapides et savoureux, toujours avec le riz comme base.
La Diversité du Riz et des Plats Vietnamiens
Le riz ou les nouilles de riz (issues de la farine de riz) constituent la base universelle de presque tous les plats vietnamiens.
Les repas traditionnels se composent souvent de poissons, poulet et porc, accompagnés de légumes cuits et de riz à la vapeur. Les plats vietnamiens eux-mêmes sont rarement très épicés, mais chaque table propose une variété de condiments: sauce au piment, sauce soja et l'incontournable Nuoc Mam (sauce poisson), permettant à chacun d'ajuster l'intensité des saveurs.
La farine de riz est également un ingrédient clé pour une multitude de mets: nems, raviolis (bánh bột lọc), crêpes (bánh xèo), soupes (phở, bún), galettes de riz (bánh tráng), et gâteaux de riz (bánh nếp). Le riz lui-même se décline en de nombreuses variétés: complet, rond, long, concassé, parfumé, gluant, provenant des deltas ou des montagnes, des récoltes d'été ou d'hiver, ancien ou nouveau. Chaque type apporte sa nuance et sa spécificité aux plats.
Les Légumes: Modestie, Vitalité et Richesse Symbolique
Indissociables des plats vietnamiens, les légumes sont préparés de diverses manières: bouillis à l'eau, fermentés, sautés à l'huile ou en salades.
Certains végétaux, par leur omniprésence et leur symbolisme, ont même marqué la littérature et la culture:
La papaye verte: Vue dans le film "L'odeur de la papaye verte" de Trần Anh Hùng, elle est consommée verte comme légume et mûre comme fruit. Elle symbolise la femme vietnamienne, timide mais entreprenante.
Le liseron d'eau (rau muống): Ce légume humble, poussant dans les mares et rivières, est un puissant symbole de modestie, de vitalité (une tige suffit pour inonder une mare en trois mois), de beauté (ses fleurs violettes ou blanches) et de richesse (le rêve paysan d'une "mare de liseron d'eau et d'une jarre pleine de sauce de soja"). Souvent considéré comme un plat du pauvre, le liseron d'eau est pourtant très apprécié en ville. Bouilli, il est servi avec du nuoc mam ou de la sauce soja. Son bouillon, relevé de citron ou de mangues vertes, est désaltérant en été. Sauté avec du bœuf ou du buffle, il devient un plat de fête.
Les aubergines fermentées: Conservées dans des jarres en terre cuite, elles sont une précieuse réserve, fidèle compagne des jours difficiles. Un proverbe vietnamien rappelle: « L'aubergine moisit dans un coin du garde-manger. Que survienne un Malheur et on s'en souviendra ».
L'Art de la Combinaison et l'Organisation des Repas
Pratiquement tous les plats vietnamiens sont le fruit d'une combinaison harmonieuse de plusieurs ingrédients: végétaux entre eux, ou avec des épices, poissons, et crustacés. Les viandes ne sont presque jamais servies seules; un dicton amusant le dit bien: « nấu canh sương, ở truồng mà nấu » (nấu canh suông, ở truồng mà nấu - "Nấu canh không có gì, thà cởi truồng mà nấu" - tức là canh không có gì thì không đáng để nấu).
Même les plats traditionnels anciens, comme le Bánh Chưng (gâteau du Têt), sont des mélanges complexes: riz gluant, haricots mungo, porc, lard, échalotes, le tout enveloppé dans des feuilles de dong pour un parfum agréable.
Un repas vietnamien est lui-même un processus de combinaison. Plusieurs plats sont toujours disposés sur la table: riz, potage, salade, légumes en saumure, poissons, viandes (sautées, mijotées, bouillies ou au caramel). Chaque bol de riz est le résultat d'un mariage de saveurs. En une seule bouchée, il est courant de déguster du riz, du potage, des légumes et de la viande ensemble.
Voici quelques exemples de plats célèbres qui illustrent cette richesse:
Thịt Kho Tàu (Porc au caramel): Un plat du Sud, avec de gros morceaux de porc mijotés avec des œufs de cane et du lait de coco, un délice fondant.
Chả Cá (Poisson Chả): Une spécialité de Hanoï, des filets de poisson frits (un poisson spécifique à la région), servis avec des vermicelles de riz, des cacahuètes grillées et des herbes aromatiques.
Phở (Soupe de nouilles): Un des plats les plus populaires, souvent dégusté au petit-déjeuner. Un bouillon clair et parfumé avec gingembre, bœuf ou poulet émincé, herbes, coriandre, anis étoilé, clous de girofle et nouilles de riz – à la fois léger et consistant.
Bún Chả (Nouilles de riz et porc grillé): Composé de vermicelles de riz (bún), de petits morceaux de porc grillé, d'herbes fraîches, le tout mélangé dans un bouillon riche en nuoc mam et ail. Souvent accompagné de nems.
Bún Ốc (Nouilles de riz et escargots): Une variante de plat de nouilles où les escargots d'eau douce, préalablement trempés et bouillis, sont ajoutés à un bouillon de tomates, vinaigre et herbes parfumées.
Miến (Vermicelles de riz et de manioc): Ces nouilles, faites d'un mélange de farine de riz et de manioc, sont la base de nombreux plats, souvent servies frites avec du poulet (Miến Gà) ou du crabe (Miến Cua).
Cao Lầu: Originaire de Hội An et Đà Nẵng, ce plat unique utilise des nouilles épaisses à base de farine de riz, trempées dans une eau de source spécifique et cuites trois fois. Elles sont mélangées à de fines tranches de viande rôtie, pousses de soja, porc et herbes parfumées.
Nem Rán ou Chả Giò (Rouleau de printemps ou pâté impérial): Cette spécialité cylindrique, omniprésente du Nord au Sud, contient vermicelles, crabe, porc, oignons, herbes et champignons, le tout enveloppé dans du papier de riz et frit jusqu'à être chaud et croustillant. Les Nem Rán sont délicieux avec une sauce aigre-douce.
Giò Lụa (Pâté de viande): Un mets de porc haché bouilli et enveloppé dans des feuilles de bananier, apprécié pour sa saveur unique, où la couche supérieure absorbe le goût des feuilles.
Bánh Chưng (Gâteau carré de riz gluant): Plat emblématique des célébrations du Têt, fait de riz gluant, haricots mungo, porc et fèves vertes, enveloppé dans des feuilles de dong qui lui donnent sa couleur verte et son parfum distinctif.
L'organisation des repas vietnamiens diffère de l'Occidentale: pas d'entrée, plat principal, dessert séquentiels. Au lieu de cela, une multitude de plats sont offerts simultanément sur la même table, encourageant les conversations et le partage. C'est dans cette fusion d'ingrédients et de traditions que réside la véritable âme de la cuisine vietnamienne.
En conclusion, la cuisine vietnamienne, ancrée dans la culture rizicole millénaire, est une entité tenace et raffinée. Elle est le fruit d'un savoir-faire ancestral qui fait du riz le pilier d'une gastronomie variée, équilibrée et profondément symbolique. Nous espérons que cette exploration vous a donné un aperçu plus profond de cette culture culinaire unique.
Avez-vous déjà goûté certains de ces plats à base de riz?