Le christianisme au Vietnam est une histoire de persévérance, de défis et d'intégration, s'étendant sur près de cinq siècles. Bien que des missionnaires occidentaux aient effectué de brèves incursions dès le XVIe siècle, c'est en 1615 que les dominicains portugais établirent les premières missions catholiques à Hội An, Đà Nẵng et Hanoï, marquant le véritable début de cette religion dans le pays. Les premiers prêtres vietnamiens furent ordonnés en 1668.
Une Histoire de Tolérance et de Persécution
Cette nouvelle religion, perçue comme une menace pour les fondements de la société vietnamienne – notamment en raison de sa position sur le culte du Ciel et des ancêtres, considérés comme des pratiques "superstitieuses" par les missionnaires – fut rapidement confrontée à l'opposition. Dès 1630, la dynastie des Trịnh publia le premier d'une série d'édits proscrivant le christianisme. Tout au long du XVIIIe siècle, les dynasties Trịnh et Nguyễn menèrent une politique fluctuante, alternant périodes de persécution et moments de tolérance religieuse.
C'est durant cette période de troubles que le missionnaire jésuite Alexandre de Rhodes joua un rôle crucial en élaborant le Quốc Ngữ – la romanisation de l'écriture vietnamienne, encore utilisée de nos jours. Un autre personnage clé fut Pierre Joseph Georges Pigneau de Behaine, évêque d'Adran, qui eut une influence déterminante tant sur l'histoire religieuse que politique du Vietnam. Il apporta son soutien à Nguyễn Ánh dans sa politique de reconquête du pays, et sous le règne du fondateur de la dynastie Nguyễn (1802-1820), les chrétiens jouirent d'une totale liberté religieuse.
Le Christianisme Face aux Dynasties Impériales et à la Colonisation
La tolérance ne dura malheureusement pas avec les successeurs de Nguyễn Ánh, profondément attachés à l'idéologie confucéenne. L'Empereur Minh Mạng (1820-1841) interdit l'entrée des missionnaires chrétiens dès 1825. Bien que Thiệu Trị (1841-1847) se montra plus clément, Tự Đức (1848-1883) persécuta à nouveau les chrétiens. Ces positions intransigeantes furent utilisées comme prétexte par les Français pour justifier leur intervention au Vietnam.
Par le traité signé en 1862 avec la France, Tự Đức reconnut le libre exercice du culte catholique au Vietnam. Cependant, les persécutions reprirent de plus belle entre 1882 et 1884, pour ne cesser qu'en 1885, lorsque la France eut conquis l'ensemble du pays et établi son protectorat.
Dès lors, les chrétiens du Vietnam purent pratiquer leur religion sans être inquiétés. Les congrégations s'implantèrent, ouvrant écoles et hôpitaux, et l'Église s'organisa. En 1939, on estimait à cent mille le nombre de chrétiens, sur une population totale d'environ dix-huit millions de Vietnamiens.
Le Christianisme dans le Vietnam Contemporain
L'avènement de la République démocratique du Vietnam en 1954 marqua un tournant pour le christianisme. Sur les huit cent mille Nord-Vietnamiens qui émigrèrent vers le Sud, six cent mille étaient catholiques, ce qui témoigne de l'importance de cette communauté.
Depuis 1975, la liberté de culte est théoriquement garantie par la Constitution vietnamienne. Cependant, le nombre d'ordres religieux est limité et toutes les écoles catholiques ont été laïcisées. Actuellement, le Vietnam compte environ cinq millions de catholiques, formant une communauté vibrante et active.
Le protestantisme, quant à lui, fit son entrée au Vietnam en 1911. Cette communauté, qui compte environ deux cent mille fidèles, recrute la plupart de ses membres parmi les groupes ethniques montagnards du Centre. Comme pour les prêtres catholiques, l'activité des pasteurs protestants est aujourd'hui encadrée par le gouvernement.
Le christianisme, avec son histoire complexe et sa présence continue, demeure une composante essentielle de la diversité religieuse et culturelle du Vietnam, contribuant à son riche tableau spirituel.